Isaac Cordal est un street artist espagnol né en 1974 en Galice. Il a étudié la sculpture à l’école des Beaux-arts de sa ville natale, Pontevedra. Puis, il a suivi une formation de cinq ans à l’école Canteiros, un établissement spécialisé dans les métiers de la pierre (la restauration et la conservation). Il étudie également au College of Arts de Camberwell à Londres.
Souhaitant travailler sur l’archétype de l’homme lambda, Isaac fabrique des petites figurines avec le même matériau qui sert à construire les villes : le ciment « qui est l’empreinte de l’homme contre la nature ».
Hautes de 15 cm environ, il les installe ensuite à la manière d’un metteur en scène dans l’espace urbain (corniches, fissures, lignes électriques, fenêtres, tuyaux, trottoirs, flaques…) dans des mises en situation qui représentent la routine de la société actuelle, puis les photographie in situ.
Ses créations sont une métaphore de la condition humaine contemporaine, une réflexion critique sur notre comportement en tant que masse sociale, sur l’absurdité de notre existence. Une « réflexion sur le progrès et ses effets secondaires dans notre société ».
Son personnage récurent, l’homme singulier, d’âge moyen, complètement désabusé et inertique, supposé représenter une grande partie d’entre nous, est un leitmotiv dans l’oeuvre de Cordal.
Leur taille minuscule, pour « faire de la ville un immense prétexte à scénario, un décor », répondre au besoin de se pouvoir se déplacer en les transportant facilement dans un sac à dos, traduit aussi l’écrasement supporté par chacun face à des fléaux tels que la lutte des classes, l’oligarchie, la bureaucratie, le pouvoir, la société de consommation, l’aliénation par le travail et par le progrès, le réchauffement climatique ou encore la misère, la solitude, l'isolement des temps modernes, que nous rencontrons à tous les coins de rue.
Isaac Cordal propose ainsi sa vison d’un monde en déliquescence, vision non dénuée d’humour.
“J’essaye d’utiliser l’ironie, mais il ne s’agit jamais d’une plaisanterie. L’humour est une façon d’habiller le drame. Je pense que nous avons besoin chaque jour d’une overdose d’humour pour survivre”.
À partir de 2006, son projet « Ciment Eclipses » - nom générique sous lequel il développe son projet artistique le propulse sur le devant de la scène street art.
En 2011, son installation « Politicians discussing global warming » devient un symbole de l’inaction occidentale au sujet du réchauffement climatique ou encore de la crise économique.
Parmi ses installations, notons-en quelques-une.
En 2012, le projet "Beaufor04" en Belgique intitulé "Waiting for Climate Change" et qui présente quelques stéréotypes de personnes confrontées au changement climatique de différentes manières. Certains d'entre eux sont montés au sommet d'un poteau d'où ils regardent l'horizon.
La série « Le Voyage à Nantes » (2013), l’artiste investit trois lieux de la ville, et présente trois thèmes : Le Nouvel Esclavage, Follow the Leaders et Waiting for Climate Change.
“Follow the Leaders” rassemblait, en guise de métaphore de l’écroulement du capitalisme, près de 2000 statuettes en costume-cravate et attaché-cases, dans une ville miniature en ruine s’étalant sur 360m2, avec de-ci de-là, des policiers qui veillent. L’installation a nécessité près de 60 moulages différents.
Pour ‘Waiting for climate change’ des figurines en silicones dérivaient dans les douves du château des ducs de Bretagne et l’artiste dénonçait l’inaction politique face aux problèmes écologiques. Ses statuettes grandeurs natures pour une fois, étaient munies de bouées et attendaient impassibles, la montée des eaux.
Déjà en 2012 en Belgique, son installation "Beaufort04" alertait sur cette thématique.
En 2015, dans son installation « The school », il transforme une usine en salle de lecture pour dénoncer l’industrialisation de l’éducation, en quête de rentabilité plutôt que de savoir.
A Oslo en 2017, ses personnages sont Installés au détour d’un rebord de fenêtre, d’une fissure dans le béton ou d’un tronc d’arbre coupé, les yeux baissés ou crevés, ils sont dos au mur, n’ont plus pied, sont prêts à sauter dans le vide.
Et la même année, sa « Comédie humaine » rassemble à Bayonne des pièces réalisées depuis 2013. Parmi d’autres, sa sculpture intitulée « Faim » présente un petit homme en costume gris pris au piège d’une tapette. la denrée convoitée ressemble plus à un attaché-case qu’à un morceau de gruyère. L’ambiguïté s’installe. Victime ou nuisible ?
En 2018, en Finlande, six personnages grandeur nature en branchages dominés par des têtes en terre glaise modelées sur place, naissent dans la forêt de Lapinjärvi en plein mois de décembre (alors que des températures inférieures à zéro et une nuit tombée à 15 heures rendent difficiles les conditions de travail). Ainsi cachées dans la nature, les figurines ne nous singent plus, ne nous interpellent plus dans nos lieux de vie, mais prônent un retour à la nature, une vie en harmonie avec elle.
En 2019, à Montréal, l’artiste présente « Ego Monuments », commentaire acerbe et distancié de l’utilisation des nouvelles technologies mobiles, notamment du portable et à travers lui des réseaux sociaux.
En janvier 2020, l'installation «Wall Enclosure» créée in situ à Urban Spree composée de 13 personnages était une évocation dystopique sombre et puissante de la solitude, de la bureaucratie et de l'aliénation. Un univers miniature dans une série de meubles de cuisine upcyclés, peints à la bombe et rehaussés de patine.